Une relance indissociable de la crise climatique

Photo par Manny Fortin sur Unsplash

L’impact économique de la COVID-19 à l’échelle planétaire est sans précédent, avec le confinement d’une fraction importante de la population mondiale et l’arrêt complet de plusieurs secteurs d’activités. La sortie de crise sera longue, laissant entrevoir un nouveau cours normal des choses pour la société qui doit être pris en considération dans la relance économique. Ne serait-ce que par l’ampleur des moyens à déployer, cette relance est une occasion unique non seulement d’améliorer la résilience de notre système public, mais également d’envisager une économie à la fois performante, responsable et durable.

Les incertitudes sont encore nombreuses, mais la crise actuelle offre de précieux enseignements pour les années à venir :

  • L’importance de reconnaître les risques, de les anticiper et d’agir de façon proactive avant d’être frappé de plein fouet par les événements;
  • Le rôle essentiel du savoir scientifique et de l’accès à des données probantes et transparentes pour la prise de décision et l’acceptabilité sociale qui mènent à une action efficace;
  • Éviter de politiser la crise afin que tous les décideurs et acteurs collaborent de façon concertée à la résorber.
  • Ces enseignements s’appliquent tout aussi bien à une crise, en partie similaire, qui persiste en parallèle : la crise climatique. Que la relance économique prenne en compte les engagements climatiques n’est donc pas une option, mais bien un moyen de contribuer à la résilience de no systèmes et l’émergence d’une économie performante et durable.

    Sortant à peine d’un exercice visant à  préparer sa prochaine politique climatique, bénéficiant d’un système de santé publique et d’un important filet social ayant prouvé toute leur pertinence, sur une production d’électricité abondante et décarbonisée et sur une population réactive, le Québec est dans une position somme toute enviable pour une relance économique qui le prépare aux défis de demain.

    Le présent document élaboré par des membres de l’initiative Le climat, l’État et nous, propose quatre principes-cadres qui devraient guider l’élaboration du plan de relance. Ce faisant, ses signataires désirent ajouter leur voix à celles, nombreuses, qui invitent le gouvernement à une action réfléchie et structurante.

    Les objectifs et les investissements qui seront annoncés dans les plans de relance pourraient avoir un impact majeur sur les orientations de la société pour de nombreuses années. C’est pourquoi il faut se saisir de cette crise d’une ampleur inégalée pour préparer le Québec à relever les défis de demain et non se contenter de reproduire le système qui existait avant la crise.

    S’appuyant sur diverses réflexions, quatre principes pour encadrer le plan de relance émergent.

    1. Contrôler les dommages collatéraux et mieux partager les risques

    Le gouvernement doit s’assurer de répondre à la crise en ne mettant pas davantage en danger la santé physique et mentale des citoyens ni aggravant la crise climatique et les problématiques environnementales. Il importe donc de prioriser l’aide aux travailleurs de toutes les industries touchées, mais d’éviter les subventions qui provoqueraient des dommages collatéraux tel que l’augmentation d’activités fortement polluantes ou des investissements dans les infrastructures qui accroîtraient les émissions de GES pour les décennies à venir. Les subventions et les aides devraient être accompagnées de conditions visant à orienter les investissements qui vont décarboniser ces secteurs et à mieux répartir les risques entre les citoyens et les divers acteurs de la société.

    2. Saisir les occasions qu’offre la réponse à la crise actuelle

    Les prochaines annonces d’investissements peuvent viser à relancer l’emploi dans des projets prêts à démarrer qui réduisent à la fois les émissions de GES, sont adaptés aux risques climatiques et améliorent la santé et la sécurité publiques. La relance ciblera vraisemblablement des secteurs à forts effets levier, tels que ceux de la construction et de la réfection des bâtiments. Il faut soutenir l’innovation et saisir les occasions que la réponse à la crise actuelle apporte et qui favorisent la carboneutralité (dépenses locales, chaînes d’approvisionnement raccourcies, restructuration du travail via le télétravail), l’économie verte et qui encouragent l’accélération de projets d’infrastructures (pistes cyclables, offre accrue de transport en commun favorisant la distanciation sociale, optimisation des parcours et de l’offre des services de livraison qui se sont développées durant la crise).

    3. Prévoir ensemble les prochaines crises sanitaires et climatiques en développant notre capacité de résilience

    La relance ne peut se penser en vase clos, elle doit impliquer l’ensemble des citoyens dans un débat public qui respecte l’effort déployé. Dès à présent, le gouvernement peut co-construire avec les acteurs du milieu des programmes efficaces visant à combler des lacunes évidentes de notre société, incluant améliorer la gestion de l’eau et des risques d’inondations en particulier, repenser la gestion des matières recyclables et résiduelles, soutenir les infrastructures intelligentes sobres en carbone qui aideront à accélérer la mise en oeuvre de la transition énergétique, favoriser le développement d’une économie circulaire. S’attaquant aux failles observées, malgré les soutiens massifs de l’État, dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’accès à la nourriture et aux services de communication, il faut aussi profiter de la relance pour renforcer les réseaux physiques et sociaux afin de mieux résister à de prochaines crises : établir des services et une gouvernance de proximité, développer et déployer les outils technologiques pour assurer une justice et une administration résiliente, adapter les milieux de vie aux risques climatiques, soutenir les populations vulnérables notamment par la construction de logements à loyers abordables.

    4. Instaurer des mécanismes efficaces de reddition de compte et de suivi

    Tous les effets collatéraux du plan de relance ne peuvent être évalués avant que celui-ci ne soit déployé. Le gouvernement doit donc prévoir, dès maintenant, des mécanismes de suivi et de reddition de compte qui permettront d’apporter rapidement des modifications et des corrections afin de favoriser sur le long terme un développement économique durable avec une faible intensité de carbone pour le Québec. En parallèle, il serait utile de développer des programmes de soutien à la recherche stratégique et sur les risques qui permettront d’orienter les investissements, les programmes et les choix gouvernementaux au cours des prochaines années.

    SIGNATAIRES

    Normand Mousseau
    Professeur titulaire, Département de physique, Université de Montréal
    Directeur académique, Institut de l’énergie Trottier, Polytechnique Montréal

    Louis Beaumier
    Directeur exécutif, Institut de l’énergie Trottier, Polytechnique Montréal

    Pascale Biron
    Professeure titulaire, Département de géographie, Université Concordia

    Stéphane Paquin
    Professeur, École nationale d’administration publique

    Marie-Christine Therrien
    Professeure, École nationale d’administration publique
    Directrice, Cité-ID LivingLab Gouvernance de la résilience urbaine

    Julien Beaulieu
    Chercheur titulaire, Centre de transfert technologique en écologie industrielle

    Jérôme Dupras
    Professeur, Département des sciences naturelles, UQO
    Chercheur, Institut des sciences de la forêt tempérée (ISFORT)

    Maya Jegen
    Vice-doyenne à la recherche, UQAM

    Simon Langlois-Bertrand
    Professeur adjoint, Département de science politique, Université Concordia

    Daniel Normandin
    Directeur exécutif, Institut EDDEC

    Marc-Urbain Proulx
    Professeur, UQAC / Centre de recherche sur le développement territorial

    Jean-Philippe Waaub
    Professeur titulaire, Département de géographie, UQAM

    Catherine Beaudry
    Professeure titulaire, Polytechnique Montréal
    Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la création, le développement et la commercialisation de l’innovation

    Luc Bernier
    Professeur titulaire, Faculté des sciences sociales, Université d’Ottawa
    Titulaire de la Chaire Jarislowsky en gestion dans le secteur public

    Roger Lanoue
    Expert en management stratégique, en énergie et en accessibilité d’eau potable

    Catherine Potvin
    Professeure, Département de Biologie, Université McGill

    Johanne Whitmore
    Chercheuse principale, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal

    Catherine Choquette
    Professeure de droit, Université de Sherbrooke

    Luc Godbout
    Professeur titulaire, Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’université de Sherbrooke

    Marcelin Joanis
    Professeur titulaire, Polytechnique Montréal

    Thierry Lefèvre
    Professionnel de recherche, Université Laval
    Co-coordonnateur du regroupement Des Universitaires

    Martin Papillon
    Professeur agrégé, Université de Montréal
    Directeur, Centre de recherche sur les politiques et le développement social

    Patrick Provost
    Professeur titulaire, Université Laval
    Co-coordonnateur du regroupement Des Universitaires

    Source: Institut de l'Énergie Trottier

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