Miser sur la fonctionnalité | Allier innovation et durabilité

Miser sur la fonctionnalité | Allier innovation et durabilité
Basée à Rivière-du-Loup, au Bas-Saint-Laurent, l’entreprise de traitements des eaux usées Probiosphère entame un virage vers l’économie de fonctionnalité et de la coopération (EFC). Pour son fondateur et président, Pierre Naider Fanfan, ce changement de perspective est fondamental afin d’allier innovation, science et durabilité. 

Passionné par les biotechnologies, Pierre Naider Fanfan a fondé Probiosphère en 2015, une entreprise qui produit des micro-organismes spécialisés dans le traitement des eaux usées. «J’avais envie de créer quelque chose qui corresponde à ma vision, c’est-à-dire traiter l’eau de façon écologique, raconte le président directeur général. Ça ne faisait pas sens que les solutions soient plus dommageables pour l’environnement que le problème de départ.»

L’idée est porteuse et la science, solide, mais la jeune compagnie peine à prendre de l’ampleur, après plusieurs années d’exercice. «Je ne comprenais pas d’où venait la barrière», se rappelle Pierre Naider Fanfan. Puis, est venu le déclic. Le PDG réalise que l’expertise offerte au moment de la vente du produit n’est pas assez valorisée. «J’allais chez un client qui avait un problème et je trouvais difficile de juste vendre le produit au kilo sans essayer de comprendre la cause plus profonde derrière, je finissais toujours par conseiller le client, sans rien vendre», explique-t-il.

La découverte de l’économie de fonctionnalité et de la coopération (EFC), l’une des douze stratégies de circularité, s’est révélée comme une épiphanie. «Eureka !», s’est plus ou moins dit Pierre Naider Fanfan, lorsqu’il a été contacté pour participer à EFC Québec. «J’ai compris que je devais vendre un service de décontamination, plutôt qu’un produit, affirme-t-il. Mon produit devenait cher et ça me prenait du temps de vendre, pour finalement résoudre les problématiques des clients.» Il fallait désormais centrer sa stratégie sur le service de décontamination et la haute fonctionnalité de son produit.

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EN SAVOIR PLUS SUR L'EFC

Je ne vends pas la technologie, mais le résultat, donc la performance

Pierre Naider Fanfan

Virage à 180°

Le virage vers l’EFC est complexe à mettre en place sans passer par des étapes précises et progressives, propres à chaque entreprise. «Il faut changer beaucoup de choses en profondeur, remarque Pierre Naider Fanfan. Par exemple, chez nous, c’était d’abord le site internet. On a réalisé un gros travail de refonte pour mettre en avant les choses différemment.» Plutôt que de simplement vendre un produit, l’entreprise souhaite désormais analyser la problématique de ses clients afin de poser un diagnostic et proposer une solution adaptée, qui peut inclure le produit ou non.

Cela a complètement changé la mission de l’entreprise, qui s’aligne dorénavant avec ses valeurs d’innovation et de durabilité, chères à son PDG. «J’y suis allée à pied joint, mais c’est sûr que c’est un pari que je prends, admet Pierre Naider Fanfan. C’est une grande joie de savoir où je vais, à présent.» Les démarches sont en route, alors qu’un laboratoire de recherche est en phase de création. Même la façon d’interagir avec les clients a évolué. «On ne peut plus signer de contrat de distribution maintenant, il faut s’adapter légalement et on travaille avec un avocat pour cela», précise-t-il.

Ultimement, cette série de décisions devrait lui permettre de produire moins et de réduire son empreinte écologique, puisque la logique de volumes est délaissée et que Probiosphère  reste propriétaire de sa technologie. «Je bosse sur un produit tellement efficace que je peux faire le même travail avec moins de quantités, poursuit-il. C’est adapté à la fois aux besoins des clients, à ceux de l’entreprise et à l’environnement.» En d’autres termes, faire moins, et mieux.

Il y a un ras-le-bol du modèle, et il faut une alternative à cette idée de croissance infinie au détriment du client

Pierre Naider Fanfan

Un modèle classique “dépassé”

Pour Pierre Naider Fanfan, la définition simple du développement durable est caduque. «Cela place l’environnement comme quelque chose d’externe à l’entreprise, c’est-à-dire qu’on peut faire tout ce qu’on veut, produire plus, détruire plus de ressources, ouvrir la terre, aller chercher des matières premières, puis donner des miettes pour avoir bonne conscience», s’exclame-t-il. À long terme, ce modèle détruit tout de même l’environnement, selon lui. Face à cet échec, l’EFC est un modèle d’affaires d’avenir selon lui. «Je ne vends pas la technologie, mais le résultat, donc la performance», poursuit-il.

Pierre Naider Fanfan constate que les gens ne sont pas à l’aise avec le modèle d’affaires classique, qu’il juge dépassé. «Il y a un ras-le-bol du modèle, et il faut une alternative à cette idée de croissance infinie au détriment du client, exprime-t-il. Je pensais que j’étais fou de chercher cette alternative, mais finalement, ça a été un soulagement de découvrir qu’elle existe.» L’entrepreneur est persuadé que le modèle de l’EFC ne sera pas moins rentable. «Et plus on s’y prend tôt dans le développement d’une entreprise, plus c’est facile à mettre en place.»

 

Conseil aux entreprises
Comme plusieurs entreprises qui ont fait le grand saut, le conseil de Pierre Naider Fanfan est de trouver une structure qui propose un accompagnement personnalisé dans la démarche vers l’EFC. «C’est un peu comme quand on s’accroche à un câble pour faire du rappel, c’est plus simple si quelqu’un nous dit où mettre nos pieds, image-t-il. C’est un véritable apprentissage, ça prend de l’investissement.»

La coopération, par ailleurs, est le cœur, «la condition sine qua non de la démarche», selon l’entrepreneur. Que ce soit à l’interne ou avec les clients. Elle est plus importante encore dans son activité de traitement des eaux usées. «Les gens ne veulent pas nécessairement livrer les résultats d’une étude détaillée de leurs eaux usées, par exemple, donc nous procédons à des ententes de confidentialité, indique-t-il. Il y a un besoin de transparence, de coopération et de collaboration.» Car, si ces données ne sont pas transmises à son entreprise, une facture à la performance ne sera tout simplement pas possible. Le C de coopération est donc primordial, lorsque l’on s’engage vers l’EFC.

La collaboration entre le CERIEC et le CIRIDD au service de l'EFC est soutenue par le ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, dans le cadre de la Commission permanente de coopération franco-québécoise.

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Auteur de la page

Pascaline David

Modérateur

Emilie Chiasson

Conseillère en communication - Économie circulaire